Quatuor Belcea ©Marco Borggreve
Programme
Claude Debussy (1862-1918),
Quatuor à cordes Op. 10
Eugène Ysaÿe (1858 – 1931),
Sonate pour deux violons seuls, Op. posthume (25’)
Entracte
Ernest Chausson (1855 – 1899),
Concert pour violon, piano et quatuor à cordes en ré majeur, Op. 21 (38’)
Décidé – Sicilienne – Grave – Finale : très animé
Après le Quatuor de Debussy, essentiel et magistral sous les doigts des Belcea, le diable Ysaÿe ensorcelle, vives arabesques aux sonorités diaphanes, tendres conflits au lustre cristallin. Chausson livre ensuite son fulgurant Concert, déflagration maîtrisée par un sextuor idéal.
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À écouter sur France Musique :
| « Beethoven et aussi Brahms, Mozart… par le Quatuor Belcea » par Aurélie Moreau.
| « Vilde Frang, la virtuosité et le naturel » dans Stars du Classique, par Aurélie Moreau.
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Proposition de restauration sur place : marché de producteurs locaux | Pique-nique dans le Parc des Berges
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Le programme musical
La trentaine offrit à Claude Debussy deux œuvres majeures de son répertoire, le Quatuor, fondé sur une tradition fraîchement apprise, et le Prélude à l’après-midi d’un faune, pièce tournée vers un avenir ambitieux. Le Quatuor fut créé le 29 décembre 1893, à Paris, par le Quatuor Ysaÿe ; Durand le publiera en 1904. L’accueil fut assez froid, trop osé en matière d’harmonies et de sonorités. Seul Paul Dukas sut y voir la lumière qui s’y trouvait, propagée par un subtil mélange, grégorien, musique tzigane, gamelan javanais, influence de Massenet, Moussorgski ou Franck pour le principe cyclique. Le premier mouvement, construit sur le mode phrygien, adopte la forme « sonate » de manière très classique, exposition à deux thèmes, développement, réexposition et coda. Le Scherzo fait un usage très virtuose du pizzicato et de l’Andantino, comme un nocturne. Il impose aux instruments la sourdine, pour faire vivre les songes sans les éveiller avant de plonger dans un bel abîme de silence. Le Finale débute en forme de récitatif, interrogations qui, après une trentaine de mesures, se lancent dans une réponse électrique et passionnée.
Natif de Liège, Eugène Ysaÿe rencontre rapidement les grands maîtres, Henri Vieuxtemps ou Henryk Wieniawski, pour se perfectionner, à Bruxelles ou Paris, dans son art du violon. Très rapidement, sa carrière prend une tournure internationale, jouant même avec Clara Schumann à Francfort. En 1884, installé à Paris, il épouse Louise Bourdau et César Franck, en cadeau, lui offre sa Sonate pour piano et violon. En 1912, il est nommé maître de chapelle de la cour de Belgique par le roi Albert 1er. Il devient rapidement le conseiller musical de la reine et fonde ce qui deviendra le concours Reine-Elisabeth. C’est pour elle qu’il écrit son Duo pour deux violons, en 1915. Ils en furent sans aucun doute les deux premiers interprètes. Mais la partition fut oubliée et ne resurgit que cinquante ans plus tard, considérée comme opus posthume. Sa particularité est une écriture essentiellement à quatre voix, exigeant une grande virtuosité car les instrumentistes doivent presque continuellement jouer chacun deux notes. Il en résulte une sonorité orchestrale intense.
Ernest Chausson composa des œuvres majeures, le Poème pour violon et orchestre, l’opéra Le Roi Arthus, Le Poème de l’amour et de la mer ou La Chanson perpétuelle. Et la liste aurait pu continuer si un stupide accident de bicyclette ne lui avait été fatal en 1899. Le Concert, dont le titre est déjà énigmatique (rappel des Concerts du grand siècle, François Couperin…), pose d’emblée une question quant à la composition instrumentale, concerto pour piano, violon et quatuor à cordes ou sextuor à cordes avec piano ? À l’écoute, même si les deux solistes dominent, l’homogénéité entre tous les instrumentistes laisse une impression de masse orchestrale douée d’une force singulière. Cette œuvre, créée le 4 mars 1892 à Bruxelles, est dédiée à Eugène Ysaÿe. Il en tint la partie soliste, Auguste Pierret le piano et le Quatuor Crickboom les « accompagna ». Dès la création, le succès fut au rendez-vous. Edouard Lalo écrivit : « C’est l’une des œuvres les plus considérables de ces dernières années dans le domaine de la musique de chambre ». En quatre mouvements, le Concert emporte l’auditeur dans un flot de notes bienheureuses. Dès le début on se trouve jeté dans une marmite aux bouillonnements décidés avec un appel de trois notes, répétées dans le même grave puis rejaillissant en un écho langoureux, attente introductive. Et le déferlement s’écoule avec une passion qui ne s’éteint jamais. Chausson admirait Wagner et le principe « cyclique » qui, comme dans le Quintette de Franck, fait revenir des bribes thématiques tout au long de l’œuvre, un peu à la manière du leitmotiv. Le compositeur mit trois années à composer son œuvre et sa patience fut récompensée par la passion que mit Eugène Ysaÿe à la défendre : « Je ne vous cache pas d’ailleurs que c’est en pensant à vous et à votre impeccable exécution que j’ai écrit ce Concert. Il vous appartient donc un peu puisque, sans vous, il est à peu près certain que je ne l‘eusse pas écrit ».