Quatuor Belcea © Komcebo
Artistes
Programme
Quatuor Belcea au Festival Ravel : nirvana musical par quatre artisans du son
L’édition de cette année a offert au public plus de 30 concerts réunissant plus de 800 artistes solistes ou appartenant à des ensembles de chœurs et d’orchestres de grande renommée.
Terre de contrastes mariant un paysage côtier océanique à un arrière-pays de plaines et de montagnes… Le Festival Ravel qui s’est tenu du 19 août au 11 septembre est à l’image de la richesse paysagère du Pays basque.
Parallèlement à l’ambitieuse programmation musicale des grands artistes, des événements tels que masterclass, concerts, ont contribué à l’émergence des jeunes talents dans le cadre de l’Académie qui est un pilier historique du festival.
Les représentations artistiques ont été données sur le site historique du festival à Ciboure et Saint-Jean-de-Luz mais aussi dans d’autres villes côtières comme Hendaye et Biarritz ainsi que dans des sites de l’arrière-pays comme Cambo-les-Bains, Ascain, Jatxou, Espelette, le charmant village réputé pour son piment… où les églises baroques qui sont une des richesses patrimoniales du Pays basque. Elles se sont merveilleusement prêtées, une nouvelle fois, de part une acoustique de qualité, à la tenue des concerts.
2 opus majeurs de musique de chambre
Le 6 septembre à Espelette, nous avons écouté le Quatuor Belcea interpréter les 2 opus majeurs de musique de chambre de Frantz Schubert : le Quatuor à cordes n.14, D.810 « La Jeune fille et la mort» et le Quintette à deux violoncelles en ut majeur, D.956 avec la participation de Xavier Phillips. L’annonce du concert du Quatuor Belcea attire l’attention des mélomanes les plus exigeants du Pays basque. Devant l’Eglise Sainte-Etienne, on constate plusieurs groupe d’amoureux du genre quatuor à cordes.
Le Quatuor à cordes n.14, D.810 « La Jeune fille et la mort» de Schubert nous a laissé un mémorable souvenir.
Quatuor Belcea © Komcebo / Festival Ravel
Dès les premières notes de l’Allegro, les cordes des quatre musiciens, en pleine forme, dégagent une sonorité précise et grinçante. Les cordes sont impitoyables telle la mort qui frappe à la porte. Ensuite les cinq variations déploient comme des tableaux narratifs : le premier violon exprime l’angoisse de la jeune-fille qui essaie, face au destin, d’y échapper désespérément. Le violoncelle reprend le thème (2e variation), se rejoint aux deux médiums pour accompagner le solo du 1er violon et ensuite (3e variation) se met en dialogue avec ce dernier. Les deux protagonistes se questionnent et se répondent l’un à l’autre tandis que les deux tessitures du médium soutiennent le dialogue en second plan sonore comme un chœur en retrait. La méditation de la 4e variation est en Majeur, une variante du thème en soprano est chantée par le 1er violon soutenu par les graves. Mais, le destin est impitoyable et la mort se presse (5e variation) !
La partition de Schubert comme terrain de jeu
Tantôt le violoncelle se rejoint aux deux mediums pour accompagner le solo du 1er violon, tantôt il prend le relais pour devenir soliste. D’une variation à l’autre la partition de Schubert se déploie comme un terrain de jeux pour les quatre musiciens qui y mettent, corps et âme, leurs archets et cordes au service de cette partition. La riche acoustique de l’église Saint-Etienne amplifie magnifiquement les dynamiques (quel incroyable subito !) et la palette étendue de timbres des quatre musiciens.
Leur connexion est exceptionnelle. Tel un seul organe, quatre interprètes respirent ensemble et les sons des quatre instruments forment une seule unité (la partie canon du mouvement Scherzo !). Ils échangent des regards avant d’attaquer chaque mouvement, ce qui installe une tension quasi solennelle. Les deux violons très près l’un de l’autre, tandis que l’alto et le violoncelle prennent plus d’espace afin de fournir une belle et profonde assise dans les graves… L’altiste se mêle tantôt dans les aiguës des violons tantôt dans les graves du violoncelle.
La musique sonne dans les mains des quatre musiciens telle une polyphonie émanant d’un seul instrument, même couleur, même phrasé, même respiration. Les quatre artisans du son assurent une belle qualité de son qui a pour objectif final d’amener le public vers un nirvana musical.
Dans la deuxième partie du concert, Xavier Phillips a rejoint le Quatuor Belcea pour jouer le 2e violoncelle du Quintette à deux violoncelles. Xavier Phillips y intégre habilement comme une extension du Quatuor. L’intervention de l’alto par Krzysztof Chorzenski est tout aussi remarquable, il sert d’axe d’équilibre pour une belle symétrie sonore entre les deux violons et les violoncelles.
Dans les quatuors à cordes, il y a une esthétisation sophistiquée quant à la justesse, une symbiose absolue des âmes. Instruments et instrumentistes ne forment qu’un son. Le public a partagé ce propos ce soir-là !