Jean-Frédéric Neuburger ©Carole Bellaiche
Artistes
Programme
Maurice Ravel (1875 – 1937), Le Tombeau de Couperin
Prélude, Fugue, Forlane, Rigaudon, Menuet, Toccata
Michael Jarrell (né en 1958), Étude pour piano
Entracte
Vincent Portes (né en 1995), Rayures
Commande du Festival au Lauréat de l’Académie de composition 2022
Maurice Ravel (1875 – 1937), Gaspard de la Nuit
Trois poèmes pour piano d’après Aloysius Bertrand
Ondine, Le gibet, Scarbo
Jean-Frédéric Neuburger aime danser au bord de l’abîme, terrible poète pour Gaspard ou funambule pour Couperin. Il défend avec une ardeur infaillible la musique de son temps, l’impétueux Jarrell ou le prometteur Vincent Portes.
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À écouter sur France Musique :
L’invité du jour de la Matinale
Les Grands Entretiens de Jean-Frédéric Neuburger, par Judith Chaine.
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Restaurant partenaire (réservation obligatoire avant le 25 août)
LE CHÊNE 05 59 29 75 01 – 979 ELIZAKO BIDEA – ITXASSOU
| Service à 19h30
1 sangria offerte pour les festivaliers sur présentation de leur ticket de concert
Soirée jazz animée par le BLM Quartet
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Le programme musical
C’est à Saint-Jean-de-Luz, en juillet 1914, que Maurice Ravel entreprend l’écriture du Tombeau de Couperin. Peut-être plus que celui de François Couperin, ce tombeau est-il celui de ses amis que la guerre n’a pas épargnés – le frontispice de la première édition, 1918, représente une urne cinéraire dessinée par Ravel lui-même. Les six pièces qui composent ce recueil seront terminées à Lyons-la-Forêt en novembre 1917. Marguerite Long en assurera la création le 11 avril 1919 à la Salle Gaveau. Ravel travaillera à l’orchestration dès juin 1919. Cette « suite », dans le goût des grands maîtres du XVIIIème siècle, n’est pas un pastiche, elle se veut hommage à un héritage de clarté, d’élégance et de rigueur formelle. Le Prélude, écrit à la mémoire du lieutenant Jacques Charlot, qui a travaillé à des réductions pour piano d’œuvres de Ravel, est un mouvement perpétuel, agrémenté de mordants comme au clavecin. La Fugue, pour le sous-lieutenant Jean Cruppi (sa femme avait été dédicataire de l’Heure espagnole), est, d’après Alfred Cortot « dans une tessiture quasi féminine ». La Forlane, pour Gabriel Deluc, ami de Saint-Jean, est souple et nonchalante. Le Rigaudon, pour Pierre et Pascal Gaudin, également amis des bords de la Nivelle, rappelle le clavecin. Le Menuet, pour Jean Dreyfus, beau-fils de la marraine de guerre du compositeur, possède une grâce aristocratique et la Toccata, pour l’époux de Marguerite Long, le capitaine Joseph de Marliave, frémit avec une ardeur virtuose et conclut une œuvre qui, à son écoute, n‘a rien de funèbre.
L’Académie Maurice Ravel enseigne la composition et c’est un privilège que de pouvoir en écouter les fruits. Vincent Portes évoque son travail : « La forme de chacune de mes pièces est basée sur l’exploration d’un objet sonore, dont on découvrira au fur et à mesure de nouvelles caractéristiques grâce à une écriture en « zoom », me permettant de faire évoluer le point de vue entre l’auditeur et le son ».
En cette année 2023, Michael Jarrell enseignera la composition à l’Académie Ravel. Sa Sonate pour piano distille une lumière stellaire, un vibrionnement éblouissant. Cette musique est marquée par l’art de Varèse et Giacometti, revenant sans cesse sur une même idée, avec une grande transparence de texture. Les ramifications s’y développent, comme des étoiles filantes, arrangées à l’intérieur d’une conception formelle d’essence discursive et dramatique.
Et comme si souvent, l’enfant du pays revient terminer un concert, comme si son âme ne pouvait cesser de dire la découpe des montagnes verdoyantes et le liseré turquoise des eaux de la baie. Les cieux basques, candeur bleutée ou terreur d’orage, fomentent à chaque sérénade un complot ravélien. Celui de ce soir est redoutable, admirable de poésie sombre, éblouissante et noctambule.
La lecture des 65 poèmes écrits dans les années 1830 par Aloysius Bertrand fascinèrent Maurice Ravel. Il décida, « après de trop longs mois de gestation », d’en magnifier trois. La création eut lieu le 9 janvier 1909, à Paris, par Ricardo Viñes. Ravel se veut très proche des poèmes car il insère, avant chaque pièce, les mots du poète. Cette œuvre est hallucinée, transcendant le texte littéraire. Alfred Cortot écrit que Ravel « ne retient de l’argument que le trait essentiel, l’élément suggestif, point de départ d’un nouveau poème qui se profile sur l’ancien plutôt qu’il ne le commente ». Bertrand écrit : « Ecoute l’Ondine qui, boudeuse et dépitée, pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire et s’évanouit en giboulées ». Ravel renouvelle dans cette pièce la fluidité des Jeux d’eau ou Barque sur l’Océan. Ensuite, « il faut écouter la cloche qui tinte aux murs d’une ville, sous l’horizon, et la carcasse d’un pendu que rougit le soleil couchant ». Le si bémol retentit cent-cinquante-trois fois. Scarbo est un gnome. « Que de fois j’ai entendu bourdonner son rire dans l’ombre de mon alcôve et grincer son ongle sur la soie des courtines de mon lit ! ». Pièce démoniaque réclamant au pianiste une virtuosité sans pareille. La nuit, dans cette pièce, dit ses plus belles obscurités, alors que « la lune brille comme un écu d’argent sur une bannière d’azur ».