Jean-François Heisser ©Thomas Chapuzot
Artistes
Programme
En présence d’Helmut Lachenmann
Maurice Ravel (1875 – 1937), Sonatine (15’)
Modéré – Mouvement de menuet – Animé
Helmut Lachenmann (né en 1935), Serynade (25’)
Robert Schumann (1810 – 1856), Davidsbündlertänze op.6 (35’)
Entre les étoiles il y a le vide, empli des résonnances de Lachenmann, riches en vibrations secrètes à découvrir. Jean-François Heisser en est le sorcier, maître de la duplicité, qui puise chez Ravel les ferments de l’extase résonnante et chez Schumann les sursauts tragiques.
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À écouter sur France Musique :
| Carte blanche à Jean-François Heisser dans Carrefour de la création.
| Les Grands entretiens de Helmut Lachenmann, par Judith Chaine.
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Le programme musical
Maurice Ravel écrit en 1903 une œuvre destinée à un concours organisé par une revue musicale franco-anglaise. Il compose le premier mouvement et interrompt le projet lorsque la revue fait faillite. Il reprend l’ouvrage et y ajoute un Menuet et un Finale. En 1905, la Sonatine est achevée. Créée à Lyon puis à Paris en mars 1906, elle suscita immédiatement une vive admiration. Le genre « Sonatine », un peu désuet, rappelle le XVIIIème, ou même Schubert qui en fit de délicieuses, mais convient aux dimensions de l’ouvrage, une « mini-Sonate », opposée aux majestueuses Sonates, de Paul Dukas ou Albert Roussel. Certains l’ont trouvée « délicieusement archaïsante ». Jankélévitch disait du premier mouvement qu’il « s’envolait avec grâce sur des battements de triples croches qui palpitent dans un ciel crépusculaire. » Le Menuet est très versaillais, avec ses petites notes et, comme le demandait Ravel, devant être joué avec « une grande rigueur de rythme ». L’Animé est écrit comme une toccata, empruntant le thème du menuet, primesautier, terminant dans une apothéose jubilatoire.
Helmut Lachemnann est considéré comme le chef de file du mouvement Klang Komposition, « Klang » signifiant son, considérant que sa réalité sonore doit aller au-delà du son ponctuel et immobile : « Il doit y avoir dans ma musique différentes sortes de sons : des phénomènes d’oscillation, des impulsions, des couleurs statiques, des fluctuations, des textures et des structures », écrit-il en 1973. Cherchant à dépasser la musique sérielle, dont il est issu, Helmut Lachemann intègre dans sa mécanique sonore un grand nombre de modes de jeu non traditionnels, il explore l’acoustique de l’instrument, allant jusqu’à demander à l’interprète de produire une « musique concrète instrumentale », parfois à la limite de l’audible. Son œuvre est réflexive, opposant ou épousant bruits et sons. Composée entre 1998 et 2000, Serynade est considérée comme le grand-œuvre pour piano de Lachenmann. Il y parachève le processus d’intégration du son et de la note entamé par Debussy, allant jusqu’à évoquer le chemin d’une musique allant vers une « non-musique ». Dans Serynade, deux mondes se superposent, celui des notes et celui des résonnances, nimbés l’un et l’autre dans les nuées du silence.
Robert Schumann fonda une revue musicale en 1834, la Neue Zeitchrift für Musik, qui paraît encore. Il écrivait la plupart des articles et signait, suivant le sens de ses propos, Florestan, homme d’action, Eusebius, dépressif et tendre, ou Maître Raro, qui était un peu le double du père de Clara, empêcheur de mariage. Et puis, au fil du temps, Schumann ajouta des compagnons à ce cénacle qui, bien réel, se fit appeler groupe de Davidsbündler, Compagnons de David. Ils se réunissaient au Kaffebaum à Leipzig. Schumann était David, le chef de l’avant-garde qui, avec Mendelssohn ou Wagner, fustigeaient les vieux croutons de l’art, Meyerbeer, Czerny, Pleyel ou Thalberg. Et puis, pour Clara, objet d’un ardent combat afin de pouvoir l’épouser, Robert composa en 1837 les Davidsbündlertänze, Danses des compagnons de David. La première édition, divisée en deux cahiers, ne mentionnait aucun auteur, seulement la mention Pièces caractéristiques composées par Florestan et Eusebius. Cependant, bien que composées pour Clara, ces pièces sont dédiées à Walter von Goethe, neveu de l’auteur de Faust.
Les 18 pièces de ce recueil sont de véritables danses. Schumann précise que dans ces danses « Beaucoup de pensées nuptiales sont cachées, que l’histoire est toute une veille de noces ». Clara et Robert s’épouseront, auront huit enfants, et Robert finira tristement par ne plus savoir qui, d’Eusebius ou de Florestan, doit être son maître.