Lise Berthaud ©Neda Navaee
Programme
Jacques Ibert (1890 – 1962), Deux Interludes pour flûte, alto et harpe
Laurent Petitgirard (né en 1950), Le songe de Merrick pour harpe solo
Claude Debussy (1862 – 1918), Sonate pour flûte, alto et harpe
Pastorale, Interlude, Finale
Entracte
Michael Jarrell (né en 1958), Le Point est la source de tout… (Epitome 2) pour flûte solo
Arnold Bax (1883 – 1953), Trio élégiaque pour flûte, alto et harpe
György Kurtág (né en 1926), Jelek pour alto solo
Maurice Ravel (1875 – 1937), Sonatine en trio pour flûte, alto et harpe en fa dièse mineur
Comme un arbre bruissant de mille vents, le trio d’exception Berthaud, Langlamet, Pahud étend son feuillage mordoré sur les rives de la modernité, siècles repus d’une nouveauté toujours renouvelée.
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À écouter sur France Musique :
| « Emmanuel Pahud, la virtuosité et le charme » dans Stars du Classique, par Aurélie Moreau.
| Lise Berthaud est invitée dans Générations France Musique, le Live, par Clément Rochefort.
| Lise Berthaud, l’alto rayonnant, par Gabrielle Oliveira Guyon.
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Le programme musical
Voilà trois instruments bénis des dieux, célestes, aux accents volatiles et à la charmeuse chaleur humaine. En une divine sorcellerie fusionnelle ils se lient pour un programme éclectique fait de modernité, d’inventions et de rêves. Les Deux Interludes furent écrits par Ibert en 1946 pour une pièce, Le Burlador (le Trompeur), de Suzanne Lifar. Deux mouvements apportent un parfum légèrement suranné, teinté d’un XVIIIème castillan, d’une douce légèreté.
Merrick était cet « homme éléphant » qui vivait en Angleterre dans la seconde moitié du XIXème siècle. Il songe et, malgré la lourdeur de sa laideur, est capable de regarder les étoiles avec la même candeur que le plus beau des humains. On entend les questionnements, les doutes, les espoirs. Laurent Petitgirard, spécialiste de la musique liée à l’image, a composé son opéra Joseph Merrick dit Elephant man en 1999.
Debussy composa trois grandes Sonates, pour violoncelle et piano, pour violon et piano et, à l’automne 1915, la seconde, pour flûte, alto et harpe dédiée à Emma, son épouse. À l’origine, cette œuvre était destinée au hautbois mais Debussy préféra finalement l’alto, moins « affreusement mélancolique » que l’instrument à anche. Les trois instruments se marient avec une élégance rare, pour une musique que beaucoup considèrent comme un des chefs-d’œuvre suprêmes du compositeur. La Pastorale est bucolique, très Puvis de Chavanne, avec Pan et les nymphes qui batifolent. L’Interlude rivalise d’audaces harmoniques et le Finale fait éclater une atmosphère dionysiaque d’un beau jour d’été.
Un épitome est un abrégé d’histoire antique. Le Point est la source de tout, dédié à Emmanuel Pahud par Michaell Jarrel, est le regard vers les lointaines sources de la beauté. Avant le verbe sans doute y a t’il eut la musique, le souffle d’une création dont chacun imagine son propre point. Cette pièce date de 2020.
Arnold Bax est britannique, amoureux des paysages d’Irlande et d’Ecosse. Il trouva son miel de compositeur chez Wagner et Strauss puis chez Ravel, Debussy ou Stravinsky pour l’orchestration. Le Trio élégiaque fut écrit en 1915. Il ondule comme les herbes hautes des paysages des Highlands, un peu froids, propres à l’ascèse mais miroitant d’une richesse de vues et de parfums infinis. L’air y transporte les songes de bergers austères et de fées qui, au bord des lacs inquiétants, protègent les voyageurs.
Débuté en 1961, Jelek, játékok és üzenetek (Signes, jeux et messages) voit le jour en 1987. Ces miniatures sont de subtils jeux qui jonglent avec le silence. Vibrations et scintillements zèbrent le vide pour le rendre foisonnant de richesses.
La Sonatine est une transcription de la fameuse pièce pour piano seule de Maurice Ravel. Son écriture débuta en 1903 pour un concours organisé par une revue musicale et ne fut achevée qu’en 1905. Le diminutif lui convient parfaitement, délaissant les grandes formes post-romantiques pour une discrétion qui conviendrait davantage au XVIIIème siècle. Sa finesse d’écriture et le classicisme de sa forme furent parfois qualifiés de « délicieusement archaïsants ». La perfection y est concise et l’équilibre mélancolique. Jankelevitch disait que le premier mouvement « palpitait dans un ciel crépusculaire ». Le Menuet et son trio dansent avec une élégance un peu solennelle et le finale, comme une toccata, sonne avec une jubilation pomponnée de bonheur.