Patricia Kopatchinskaja & Sol Gabetta ©Julia Wesely
Programme
Patricia Kopatchinskaja, initialement programmée aux côtés de Sol Gabetta, se voit contrainte d’annuler sa participation à ce concert. Elle est remplacée par deux grands solistes : la violoniste Veronika Eberle et l’altiste Lawrence Power.
C’est donc un nouveau programme pour trio à cordes que nous vous proposons :
Ludwig van Beethoven (1770 – 1827)
Trio N°3 en Sol Majeur, Op.9 N°1
Entracte
Maurice Ravel (1875 – 1937)
Sonate pour violon et violoncelle
Dédiée à la mémoire de Claude Debussy
Ernő Dohnányi (1877 – 1960)
Sérénade pour trio à cordes en Ut Majeur, Op.10
—
À écouter sur France Musique :
| « Les projets de Sol Gabetta », par Aurélie Moreau.
—
Le programme musical
Trois trios forment le neuvième numéro d’opus, certifié par une première publication commune en juillet 1798, à Vienne, par l’éditeur Traëg. Beethoven fut très fier de son œuvre. La lettre adressée au dédicataire, le comte Johann Georg von Browne, en fait foi : « Monsieur, l’auteur, vivement pénétré de votre munificence, se réjouit de pouvoir le dire au monde, en vous dédiant cette œuvre. Si les productions de l’art, que vous honorez de votre protection en connaisseur, dépendaient moins de l’inspiration du génie que de la bonne volonté de faire de son mieux, l’auteur aurait la satisfaction très désirée d’offrir la meilleure de ses œuvres au premier mécène de sa muse ». Le premier mouvement débute par une introduction grave, évocation des questions chères au fameux destin que Beethoven aimait poser. La forme sonate suit, avec un premier thème enroulé autour de silences puis un second presque martial. Le développement les fera se combattre et s’unir avec la plus grande rigueur. Le mouvement lent se languit avec passion, jouant avec deux motifs, baignant d’une tendre mélancolie ce qui pourrait s’apparenter à une sérénade. Nimbée d’une douce pâleur, la nuit se raconte paisiblement. Le Scherzo badine avec allégresse, sautillant en un contrepoint sévère et savant. Le dernier mouvement délaisse le rondo avec son refrain habituel pour adopter la forme sonate. Turbulent, le premier thème galope tel un enfant vers une allégresse empressée. Le second thème, plus posé, se laisse entraîner dans le tourbillon final qui fait de la coda une précipitation vers un abîme jubilatoire.
Étonnante, cette Sonate pour violon et violoncelle, écrite en deux années à la mémoire de Claude Debussy. Étonnant le titre, qui, à ce que d’autres auraient appelé Duo, offre l’aristocrate Sonate, étonnant l’assemblage de ces deux instruments, étonnant le renoncement aux charmes de l’harmonie pour un subtil écheveau mélodique. Tellement étonnant que la création par Hélène Marthe-Morhange et Maurice Maréchal fut très mal accueillie. La presse parla même de massacre. Mais l’auditeur actuel saura y trouver son miel, comme le dit la première interprète : « Quand on a travaillé et retravaillé cette Sonate, on se rend compte que c’est là peut-être l’œuvre la plus exceptionnelle de Ravel. Quant à l’écriture : jeux déliés du contrepoint qui enchantent au même titre que les jeux de l’esprit ». Construite sur une structure cyclique, l’esthétique de cette pièce se plaît à un certain dépouillement.
La Sérénade pour trio à cordes d’Ernő Dohnányi, écrite en 1902, est considérée comme le chef d’œuvre de sa musique de chambre. Dispensé du respect strict envers une forme classique, le compositeur laisse aller son imaginaire mélodique et formel vers une joyeuse course alternant lyrisme et virtuosité. Le morceau débute par une Marche qui n’a rien de militaire, plutôt celle de deux amoureux courant dans une nature printanière. Une partie centrale se fait rêverie bucolique avant que les pas ne repartent vers d’autres bonheurs. La Romance fait chanter l’alto, accompagné par deux guitares placides, puis les rôles s’inversent, deux oiseaux batailleurs s’affolent et la paix revient. Dohnányi livre ici une musique simple et joviale. La folie prend ensuite le Scherzo, mouvement éminemment virtuose. Une fugue presse le pas, se repose et emporte avec elle un autre thème, jeu particulièrement savant. Tour à tour les instruments chantent, ponctuent, ornent ou se retrouvent complices d’unissons flamboyants. Le quatrième mouvement se plait à respecter les règles classiques de la variation. Il en est cinq, d’humeur pacifique, hors la quatrième, zébrure dionysiaque avant le retour d’une campagne apaisée. Le Finale est un hommage à Joseph Haydn, un peu à la manière all’ungarese. Le second thème est emprunté à son 39e Trio. Dans ce flot agile et déluré, Dohnányi rend hommage à sa terre hongroise.