Leif Ove Andsnes ©NR
Programme
György Kurtág (né en 1926)
Játékok (extrait) (5’)
Franz Schubert (1797 – 1828)
Rondo en la majeur, D. 951 (12’)
Allegro en la mineur, D. 947 “Lebensstürme” (15’)
Entracte
György Kurtág
Játékok (extrait) 5’
Franz Schubert
Fugue en mi mineur, D. 952 (5’)
Fantaisie en fa mineur, D. 940 (20’)
À voir les enfants passer leurs doigts sur ses touches, le hongrois Kurtág a conçu une série de pièces qui ne sont que jeux. Le piano est un plaisir ludique, comme il le fut pour Schubert qui, à sa manière presque gamine, accroche à la lisière des nuages ses plus virtuoses fantaisies.
—
À écouter sur France Musique : « Leif Ove Andsnes, les années Emi Classics » dans Stars du Classique, par Aurélie Moreau.
—
Restaurant partenaire (réservation obligatoire avant le 20 août) :
ALAÏA
2 All. André Hiriart, Ciboure – 05 59 47 43 79
À partir de 22h00 (entrée + plat + dessert)
—
Le programme musical
György Kurtág, 97 ans, compositeur et pédagogue, a trouvé dans la miniature une manière d’exprimer son humilité. Játékok est une collection de petites pièces destinées à l’enseignement mais également au concert. Kurtág en écrit depuis 1973. Neuf volumes ont été publiés, 7 pour piano solo et 2 pour deux pianos ou piano à quatre mains. Le dernier volume est paru en 2017. En hongrois, Játékoki signifie « Jeu ». Kurtág s’en explique : « L’idée de composer Játékok a été suggérée par des enfants jouant spontanément, des enfants pour qui le piano signifie encore un jouet. Ils l’expérimentent, le caressent, l’attaquent et y passent leurs doigts. Ils accumulent des sons apparemment déconnectés, et si cela arrive pour éveiller leur instinct musical, ils recherchent consciemment certaines des harmonies trouvées par hasard et les répètent sans cesse ». Ce jeu, pour Kurtág, doit toujours mener au plaisir, fruit d’une imagination débordante.
La musique de Franz Schubert apparaît elle aussi comme le fruit d’un jeu, si naturelle qu’elle semble enfantine. Le piano fut pour lui comme un prolongement de son instinct, avec une production importante : 23 Sonates, des Moments musicaux, des Impromptus, des Fantaisies, des Danses et nombre de pièces aux contours variés. Ecrit en 1828, le Grand Rondo en La majeur est la dernière œuvre de Schubert pour piano à quatre mains. Dans une période de souffrance pour le compositeur, ce Rondo laisse apparaître une candeur exempte de toute douleur. Comme un lied dédié au bonheur espéré, cette pièce est d’une simplicité angélique, opposée au Lebensstürme qui suit mais composé avant. Orages, Tourments de la vie, traduction française d’un titre qui fut donné par Diabelli, montre l’esprit de cette pièce sombre. Dès le début, les valeurs pointées montrent la hargne du compositeur contre le destin. Certains exégètes évoquent une prémonition brucknérienne tant la clarté du sombre s’expose et tant ces pages semblent avoir été pensées pour un orchestre. L’espoir, parfois entrevu, s’effiloche et disparaît dans les deux derniers accords fortissimo.
1828, Schubert mourra en novembre. Et pourtant il semble vouloir encore apprendre. Cette Fugue en mi mineur est un exercice, dans la grande tradition enseignée par Bach et d’autres, avant ou après lui. On y trouve son exposition, sujet et contre-sujet, ses divertissements, tous les éléments imposés pour ciseler un joyau de contrepoint rigoureux. Aucune fantaisie, comme si le retour au fondamental pouvait être une médication contre les mauvais sorts, de l’ascèse avant tout, recherche d’un essentiel salvateur.
La Fantaisie en Fa mineur fait partie de la trilogie de 1828, avec le Grand Duo et Lebensstürme. Elle en est incontestablement le sommet, également sommet de toute l’œuvre à quatre mains de Schubert, bouleversante confidence dédiée à la princesse Caroline Hesterazy, son « immortelle bien-aimée ». Schubert la fit découvrir à ses amis le 9 mai, malade, oscillant entre la rage, le désespoir et la vision d’un monde meilleur. Le premier thème est fascinant, posé sur son berceau de croches alternées, illuminé par son octave puis précipité vers le grave, puis repris comme une vibrante obsession. Schubert vacille mais son éternité emporte l’auditeur vers des rives de miel et de jovialité bienheureuse. Une seconde idée mélodique, plus grave, assombrit le propos et ne sait amener l’ange au silence, malgré de multiples combats qui mènent au bord du vide. Schubert s’en échappe avec son allégresse coutumière et fait resurgir, lorsque le noir se fait trop cynique, le thème initial, suprême aspiration, avant que le destin se résigne à dire son inéluctable.